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Sur une plage de Normandie

 

 

Printemps 2005, ou 2006 peut-être. Une plage de Normandie. Il est difficile de dire où précisément. Cherbourg ou ailleurs. Elle se fiche un peu de la ville. Elle n’est pas là pour faire du tourisme mais pour le retrouver, lui. Il y a du soleil. Un soleil d’avril ou de mai. Celui qui fait que le ciel est bleu mais que le fond de l’air est un peu frais et nous invite à garder une veste. Et puis, il y a du vent. Pas beaucoup ; juste assez pour que les petites mèches de cheveux s’échappent de derrière son oreille. Elle marche le long de la jetée. Ses yeux scannent la foule mais au fond d’elle, elle le sait : elle ne trouvera rien. Il n’est pas là.

 

Et puis le vent amène la musique. De la guitare. Et une voix d’homme. Rauque, presque enrouée. Assez grave mais pas trop. Cette voix, elle la connaît. Et cet air. Rythmé, assez dynamique mais triste, un peu en colère, un peu désespéré. Elle le sait par cœur, il le jouait souvent, avant. Sa tête se relève, sa silhouette se redresse. Sans qu’elle s’en rende compte, ses pieds pressent le pas. Oui, c’est elle, c’est sa chanson. Il est là. « My goldfish died today. Mister K, Mister K… » Les paroles défilent dans sa tête. Il les a chantées tant de fois.

 

Bientôt elle aperçoit un petit groupe de personnes. Elle sourit. Il a toujours attiré du monde avec sa guitare, surtout les filles. Le son de l’instrument est plus fort maintenant. Elle entend même les cordes qui grattent le bois. Soupir. Il est là. A quelques pas. Ça y est, elle l’a retrouvé.

 

La chanson est bientôt finie. Elle s’approche, se faufile entre les gens. Son cœur bat aussi vite que la musique. La voix se calme, devient douce. « Mister K ». La chanson se termine. Il redresse la tête. Ce n’est pas lui. Il lui ressemble, mais non, il n’est pas là. Elle n’a pas réussi, elle va devoir chercher encore. Sa gorge se noue. Ses yeux picotent. Le chanteur la regarde, lui demande si tout va bien. « C’est la chanson », répond-elle.

 

Il est des fois où la musique sublime le film, d’autres où l’inverse s’opère. Et puis quelques fois, le mélange est si juste que l’un ne peut vivre sans l’autre. Les paroles, les notes et les images se rassemblent alors en un tout qui fait que, dans la voiture, au supermarché ou au travail, quand les premiers accords retentissent, la jeune fille est sur une plage, en Normandie, à Cherbourg ou ailleurs. Qu’importe. A la dernière note, il ne sera pas là.

 

 

Amandine Duphil

22.01.2014

Aaron. "Mister K"

Je vais bien ne t'en fais pas. 

2006.

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