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Le superhéroïsme,

Mythologie moderne 

 

 

Cette année, le personnage de Batman a soixante-quinze ans. Un film sur le personnage de Thor est sorti en fin d’année. Et alors qu’un nouvel opus des Avengers se prépare au cinéma, le musée de l’Art Ludique, à Paris, expose depuis le 22 mars près de 300 dessins originaux de leurs créateurs. Les super-héros ont décidément la côte.

 

Si l’exposition temporaire du musée de l’Art Ludique se centre presque exclusivement sur les dessins originaux des créateurs des héros de Marvel, elle commence avec l’affirmation que les super-héros sont une « incarnation de la mythologie contemporaine ». Si les super-héros sont à l’origine créés aux États-Unis, ils ne s’arrêtent pas à leurs frontières. Aujourd’hui, nombreux sont les pays dans le monde concernés par cette mythologie moderne. La comparaison ne s’arrête pas seulement à la popularité de Batman, Spiderman et leurs copains dans la pop-culture : on parle même d’un Âge d’or, d’un Âge d’Argent et d’un Âge de Bronze, qui, à l’instar de la mythologie grecque, décrivent des moments importants de l’histoire des super-héros de comics. Difficile de croire, pour leurs premiers créateurs, que ces personnages allaient déchaîner autant de passions.

 

Espoir et patriotisme

 

Durant la grande dépression, Jerry Siegel et Joe Shuster créent le personnage de Superman, qui est considéré comme le premier super-héros. En 1935, ils tentent de se frayer une place parmi les deux mille bandes dessinées qui sont lues par des millions de lecteurs. Ce n’est que deux ans plus tard qu’un éditeur, Action Comics, futur DC Comics, acceptera d’éditer les aventures de Superman. L’espoir devient permis. Pendant cette période d’entre-deux guerres, où la tension est palpable avec la montée au pouvoir d’Hitler, l’idée qu’un être tout-puissant sauverait le monde est séduisante, particulièrement chez les enfants et les adolescents. Superman est le super-héros qui se rapprocherait le plus des dieux mythologiques. Il est initialement invincible, d’autant plus qu’il provient d’une autre planète, un peu comme Thor, créé en 1962, qui tient même son nom et une partie de son histoire de la mythologie germanique.

 

C’est au moment de l’entrée en guerre des États-Unis contre le Japon, en 1941, qu’est créé le personnage le plus emblématique de cette mythologie américaine, Captain America, dont le nom et la tenue ne laissent aucun doute quant à sa fonction patriotique et propagandiste. Un personnage qui a même l’honneur de se battre contre Hitler et de le frapper au visage sur l’une de ses couvertures. Le superhéros, de la même façon qu’une antique divinité, peut agir pour améliorer la vie du simple humain. Pourtant, ce héros ne vient pas d’une autre planète : ce n’est qu’un soldat, jugé trop chétif, auquel des scientifiques ont administré un sérum à l’origine de ses superpouvoirs. Plus qu’une force de la nature à la manière d’un dieuou d’un demi-dieu, le super-héros s’adapte au monde qui l’entoure, dans un contextede guerre où la science tient une grande place. Ce qui explique que bon nombre dehéros (voire même de vilains comme dans le cas du Joker, principal adversaire de Batman) tiennent leurs pouvoirs de substances radioactives et autres expériences chimiques. Peu importe ce qu’il en est dans la réalité, comme l’explique Stan Lee, éditeur de Marvel Comics, dans un documentaire d’Arte : la science est un bon moyen d’expliquer comment les super-héros acquièrent leurs pouvoirs. Quant à Batman, malgré le fait qu’il ne possède pas le moindre pouvoir d’origine surnaturelle ou radioactive, il reste élevé au rang des super-héros. La soif de justice et les moyens financiers sont suffisants à l’homme chauve-souris, qui n’en est que plus populaire auprès du public. Dès lors, depuis sa création en 1939, tous les super-héros se situent entre les deux extrêmes formés par Superman et Batman.

 

Des modèles et des hommes

 

Le fait que la plupart des super-héros soient initialement des êtres humains permet aux lecteurs de comics et aux spectateurs de s’identifier à eux. D’après Ed Catto, spécialiste en marketing, « une part essentielle de la mythologie se construit autour des produits dérivés ». Aujourd’hui encore, on ne compte plus le nombre de t-shirts Superman qui sont vendus à travers le monde. En France, l’édition limitée des T-Shirts Avengers de l’enseigne Célio l’hiver dernier en est un bon exemple.

 

La raison de ce succès, encore de nos jours, peut s’expliquer par l’influence des éditeurs, dessinateurs et scénaristes des comics, qui tiennent à participer, à leur manière, aux changements qui s’opèrent au sein de la société. Marvel décide donc, dès 1964, de faire apparaître des figurants de couleur dans ses scènes de rue : « il faut être représentatif de l’ensemble de la société. Chaque type de citoyen devrait avoir sa place dans ces histoires », précise Stan Lee. Le créateur de Spiderman a, par ailleurs, participé en 1966 à la création de la Panthère Noire, un super-héros de couleur. Et malgré la censure qui sévit dans les années soixante et soixante-dix, les créateurs de comics décident de s’attaquer au problème de la drogue, notamment chez Spiderman. L’idée d’une représentation égale de chaque citoyen se poursuit lorsque les femmes descendent dans la rue dans les années soixante-dix en réclamant les mêmes droits que les hommes. Denny O’Niel, éditeur de Wonder Woman, ne s’imaginait pas qu’il existait autant d’inégalités : « je croyais au pacifisme, à l’égalité raciale : et puis le féminisme est arrivé. Je me suis dit qu’il fallait y croire aussi ». L’intention est honorable, mais l’historienne Trina Robbins parle d’une « façade » de ce féminisme dans les comics : les femmes restent la plupart du temps des objets hyper-sexualisés. La Wonder Woman des comics se voit dépossédée de ses pouvoirs pour ressembler à une femme normale, égale à la plupart des hommes, mais toujours pas à Superman, ce que dénoncent certaines féministes, quand la Wonder Woman télévisée et interprétée par Lynda Carter s’attire leur sympathie. À la suite des attentats du 11 septembre, les super-héros sont mis en scène dans les comics, dévastés et au milieu des ruines, en train d’observer secouristes et simples citoyens s’allier pour rechercher les derniers survivants. Une façon pour les comics de dire que tout un chacun peut être un super-héros, et de faire ainsi partie de la mythologie moderne.

 

 

Charlotte Cousin

26.03.2014

Exposition Marvel au Musée de l’Art Ludique
Exposition temporaire du 22 mars au31 août 2014.
Tarifs : 9,5 € à 15 €
Super-héros, l’éternel combat
Arte Éditions, 20 €
artludique.com
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