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"Sans contraintes, on n'est plus qu'un artiste"

 

Avec plus de cent cinquante projets architecturaux différents par an, Olivier Cousin fait partie du plus grand cabinet d’architecture de Lorraine, situé à Saint-Avold. Discussion sur les contraintes qui allient architecture actuelle et histoire passée, entre artiste et artisan.

 

Quels types de projets architecturaux réalisez-vous ?

Étant donné que je travaille sur une centaine de projets différents dans l’année, cela en fait, après calcul, environ trois mille cinq cents depuis le début de ma carrière. J’exerce dans une grosse agence d’architecture qui n’est pas spécialisée. C’est pourquoi mes travaux relèvent de toutes sortes de domaines allant de l’habitat individuel au collectif, en passant par des hôpitaux, des cliniques, des écoles ou encore des foyers socio-éducatifs. Les cabinets spécialisés comptent généralement deux ou trois personnes. Ici, nous sommes vingt-cinq. C’est ce qui rend possible une telle diversification des secteurs et en fonction du client, des projets différents nous sont soumis. Selon l’importance du projet, cela peut être plus ou moins long, de quelques mois à plusieurs années. Parmi les projets assez longs, je peux notamment citer les deux églises et la chapelle sur lesquelles j’ai eu à travailler.

 

Travailler sur un édifice religieux doit être particulier. Pouvez-vous développer un peu ces projets ?

La première église est celle de Saint-Avold, située dans le quartier Vennec, mais c’est surtout la deuxième qui nous a demandé un gros investissement. Il s’agit de l’église de Saint-Hubert, à Rosbruck. Il a fallu la reconstruire entièrement parce que le terrain avait subi des dégâts miniers. Tout le village est descendu de sept mètres. De ce fait, l’église penchait.

 

Vous avez donc dû tenir compte de certaines exigences religieuses et historiques et donner cette forme arquée caractéristique à la nouvelle église.

La principale contrainte du projet, c’était ces fameux problèmes miniers à cause desquels le sol menaçait de s’enfoncer. On ne pouvait donc pas opter pour une toiture portée par des murs, car ceux-ci auraient pénétré encore plus en profondeur dans le sol. Nous avons donc dû en concevoir une qui soit portée par la charpente. L’ensemble de l’église est posé sur une dalle en béton qui fait un mètre cinquante de haut. Le tout est posé sur seize vérins, c’est ce qui fait que la charpente porte l’église. Si on veut, le bâtiment ressemble à une tente.

 

Comment vous y êtes-vous pris, concrètement ?

On a commencé par démolir l’ancienne église, tout en gardant l’ancien clocher que l’on a redressé parce qu’il présentait un gîte de cinquante centimètres. Il ne s’est pas effondré grâce à sa composition en béton armé. Ensuite les ouvriers ont creusé sous le clocher pour y placer les six vérins, de plus de cinquante centimètres, qui sont nécessaires à son redressement. Étant donné que le terrain continue de bouger, il faut vérifier les aplombs tous les ans.

 

Il faut dire que la région est chargée de problèmes historiques tels que les mines de charbon, que l’on trouve encore beaucoup en Alsace-Lorraine et en Allemagne…

En effet. Il y a beaucoup de galeries qui viennent en Allemagne, tout comme des galeries qui viennent en France. Je travaille actuellement sur des bâtiments construits par les allemands avant la première guerre mondiale. Ces constructions ne sont pas les mêmes que celles qu’on l’on peut rencontrer en France.

 

Cela signifie-t-il que le rôle de l’histoire est toujours aussi important en architecture ?

Une œuvre architecturale, c’est non seulement une impression de l’histoire, de tout ce qui s’est déjà fait, de ce qui s’est fait sur le moment, mais c’est aussi, en grande partie, la commande du client, ce dont lui a besoin. C’est la somme de toutes les contraintes et des exigences du client qui fait l’œuvre. Il y a un moment où il faut que l’on réponde à une commande, en respectant la contrainte de celui qui demande quelque chose, sans parler des contraintes de l’environnement, des contraintes d’argent, et caetera. Avoir une action illimitée c’est possible, mais à ce moment-là, on n’est plus qu’un artiste, sans aucune dimension artisanale ou technique.

 

 

Charlotte Cousin

26.03.2014

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