Quand les graphistes font leur chantier
Une vignette noire, ronde. Elle est auréolée de rayons triangulaires qui lui rehaussent le teint. A l’intérieur de cette vignette, une question aux allures d’exclamation : « C’est qui l’papa ? ». Soit le nom du fanzine créé par Margot Abellard, Quentin Fauvre, Ismaël Hadour et Tristan Itier, quatre étudiants en Création et Management Multimédia à l’université Rennes 2. Un projet graphique sur lequel ils continuent de travailler parallèlement à leurs cours et en dépit de faibles moyens.
En 2013, c’est un intérêt commun pour le design graphique, l’illustration et la typographie qui amène ces quatre étudiants à travailler ensemble. Déçus par le manque de créativité des travaux à rendre en classe, ils décident de voir plus grand. « Au début, notre travail se résume simplement à des séances de dessin à huit mains les dimanches après-midi », raconte Ismaël, « Puis, progressivement, germe cette idée de développer un objet éditorial afin de publier notre travail et ainsi le faire connaître. Très vite, le genre du fanzine apparaît comme une évidence. C’est un espace de liberté d’expression mais aussi un outil de transition professionnelle. » Le petit groupe espère ainsi créer un réseau pérenne, rencontrer les acteurs culturels de la région et, pourquoi pas, participer à des salons.
S’en suit alors une réflexion commune sur l'essence et la mise en page du fanzine. Le thème est pensé autour de sujets ayant un potentiel graphique. Le premier numéro, intitulé "En Chantier", est un peu l’avatar de cette phase de construction. Mais il ne faut pas prendre ce titre au sens strict pour autant, comme le précise Margot : « Toutes les appropriations possibles du thème sont valables du moment qu’elles favorisent la création, » déclare-t-elle. « Du coup, lorsque nous avons proposé à des professionnels et à d’autres connaissances de participer au fanzine, chacun a donné un angle de vue différent. Et cette différence était d’autant plus flagrante que nous avons fait appel à des gens d’univers artistiques hétéroclites. » Rien d’étonnant à ce que les pictogrammes de pelles et de pioches entrecroisées côtoient des morceaux de prose sur l’adolescence. Ce premier numéro regroupe aussi bien des photographies que des illustrations, des textes ou encore des créations typographiques. L’objet final se veut une représentation valorisante du graphisme qui ne se restreint pas aux affiches et aux flyers ainsi que le souligne la petite équipe éditoriale, fière de la diversité qui fait la richesse de C’est qui l’papa.
Aujourd’hui, le premier numéro du fanzine, "En Chantier", s'est écoulé à environ quatre-vingt exemplaires. Mais avant d’en arriver là, les jeunes graphistes ont dû canaliser leurs envies. Dans un premier temps, ils ne peuvent pas se montrer trop ambitieux et choisissent le format A5 pour des raisons financières. De même, le numéro est imprimé en laser noir et blanc pour plus d’économie. Mais il ne s’agit là que des prémices du projet car Margot, Quentin, Ismaël et Tristan comptent bien faire évoluer leur fanzine. Le but est d’améliorer le support au fil des numéros, de tenter la couleur, avant de passer à une technique d'impression qui leur tient à coeur : la sérigraphie. Un procédé qui permet de gérer entièrement l'impression de l'image mais aussi celle des couleurs par l’utilisation de tons plus francs et plus originaux comme des encres fluo, pailletées ou encore phosphorescentes. Actuellement, les quatre jeunes graphistes se donnent les moyens de parvenir à ces améliorations. Ils participent à des concours et font des demandes de bourse afin de subventionner leur projet. La ville de Rennes soutenant des projets sociaux et culturels via le FRIJ (Fond Rennais d'Initiative Jeunes), ils ont décidé de postuler. « Notre projet a retenu l'attention du FRIJ, » précise Tristan. « Nous passerons un oral le 10 avril prochain pour tenter de décrocher une aide financière d'environ 600€. Autant dire que ce n’est pas négligeable ; cet argent permettrait une progression immédiate en terme de technique et de création. » Parallèlement, les fonds récoltés grâce au premier numéro ont permis le remboursement des frais de sa fabrication mais également un petit bénéfice mis de côté pour les publications à venir. Cela a permis à l’équipe de lancer la production du deuxième numéro dont la publication est prévue en mai 2014 sous le nom de « Tétons et mamelons ». Un thème à la hauteur de l’humour des quatre collaborateurs qui ne craignent pas de surprendre les spécialistes et les néophytes.
Cassandre Fabre
6.04.2014
