Les reines du Shaming

 

 

Après « Un dîner presque parfait » ou encore ses clones « Bienvenue chez nous » et « Quatre mariages pour une lune de miel » produits par TF1, M6 remet le couvert avec « Les Reines du shopping ». Ce mix entre « Un dîner presque parfait » et « Nouveau look pour une nouvelle vie », a quelques atouts dans sa manche pour divertir les téléspectateurs à partir de 16 h 20, du lundi au vendredi.

 

Cristina Cordula, la conseillère en image de « Nouveau look pour une nouvelle vie » ayant à son effectif des répliques désormais incontournables telles que : « tu es magnifaïque ma chérie ! » et « on va s’en occuper de ton sourçaïle ! », présente l’émission des « Reines du shopping ». Le principe est simple : chaque jour, une candidate différente se voit attribuer un budget, une liste obligatoire de magasins, ainsi qu’un temps bien définis. En somme, un parcours de la combattante : eh oui messieurs, la mode, c’est bien connu, est un domaine que seules quelques femmes de goût peuvent apprécier à sa juste valeur. Il faut donc, en un temps limité, trouver la tenue parfaite, chaussures, accessoires et mise en beauté compris, autour de thèmes gracieux tels que « dîner avec mon ex », « le mariage de ma meilleure amie » ou encore « élégante en imprimé animal ». C’est Cruella qui va être contente !

 

Globalement, le concept est le même que bon nombre d’émissions de télé-réalité : quatre à cinq candidats sont confrontés les uns aux autres sur un même domaine, dans la joie, la bonne humeur, et tout particulièrement, la mauvaise foi. Tout est sujet à la compétitivité, ou bien, comme le disent toutes les candidates, à la « stratégie ». En même temps, se trouvent à la clé mille euros, qui, très souvent, vont permettre de « faire du shopping, évidemment ».

 

 

Tragique stratégie

 

Si les candidates ont souvent un écart d’âge assez important (elles sont âgées de 18 à 70 ans), il s’estompe rapidement quand vient le temps de commenter, ou plus exactement de critiquer, la concurrente du jour. « Ah franchement j’aime pas du tout, ça fait trop enterrement », ou encore : « on dirait tellement un sac à patates », vocifèrent certaines fashionistas, qui, confortablement installées dans les fauteuils blancs, regardent passivement l’écran qui leur diffuse les images de la concurrente depuis le showroom de Barbie. « Stratégie » oblige, quand vient le temps de commenter la tenue du jour, il est de coutume de dire que « pour moi, tu n’es pas dans le thème ». Mais qu’est-ce que ça signifie au juste, le thème ? Vraisemblablement, c’est Cristina qui l’impose à chaque début d’émission. Tous les termes du sujet ont leur importance, et sont à prendre rigoureusement en compte, demandant une véritable interprétation problématique. Par exemple, le thème « le mariage de ma meilleure amie » entend qu’il faut bien entendu être belle, mais pas trop : il ne faut tout de même pas voler la vedette à la mariée, qui est la meilleure amie en question. Impossible, donc, de porter des bijoux trop imposants ni même un diadème, et, pire encore, d’assister à la cérémonie, tout de blanc vêtue. Les mauvaises langues diront que ce sont des détails très pointilleux : mais le problème, dans ce genre d’émission, c’est l’exigence des autres candidats, prêts à tout pour emporter la mise. Combien de fois n’a-t-on pas entendu dans « Un dîner presque parfait » qu’un candidat avait fait des plats trop originaux pour être appréciés par les estomacs les plus difficiles, alors que l’on reprochait aux autres d’être trop classique ? Rien ne séduit les concurrents, qui ont la mauvaise note facile. Difficile, par contre, d’attribuer une note supérieure à sept, ou pire, comprise entre neuf et dix, alors qu’on ne reproche pratiquement rien au candidat du jour.

 

Ici, ce ne sont pas des plats qui sont jugés, mais des choix vestimentaires, ce qui n’est au fond pas si différent, puisqu’incluant un jugement rarement objectif. Quant au malheureux qui décide d’être plus généreux que la moyenne en matière de notes, il n’est finalement que le gentil de la semaine. Parfois jalousé des autres candidats qui l’humilient joyeusement, il finit par échouer lamentablement et se retrouver dernier dans le classement.

 

 

Des Jeux du Cirque branchés

 

Surprise, c’est un peu ce qui diffère dans « Les Reines du shopping » : non pas que les candidates soient plus douces que leurs homologues passionnés de cuisine, mais la moitié de la note est décidée par Cristina. Une note, certes subjective, qui relève le bon goût, mais qui permet souvent de rehausser des notes parfaitement injustes. Et que dire de ce que M6 qualifie de « piques » que les candidates s’envoient à la figure comme dans un match de tennis ? L’instant du défilé est une véritable délectation. Situé à la toute fin de l’émission, il est une ouverture aux affronts, qui se déroulent devant plusieurs milliers de téléspectateurs. Un instant magique qu’est le défilé, puisqu’il mute en des jeux du cirque modernes. Assises sur une chaise en plastique, les genoux serrés, les impitoyables candidates observent, lèvres pincées et dents serrées, la candidate du jour. Tiens, son décolleté est un peu trop plongeant, je vais lui dire que c’est vulgaire et que ça ne lui va pas, parce que je n’ai pas supporté qu’elle se permette de me dire que je n’étais pas dans le thème. Comme ça, je pourrai ajouter que ce qu’elle a choisi, c’est plutôt moche. L’émission se passerait dans la cour de récréation d’un collège parisien que l’on ne verrait peut-être pas la différence.

 

Somme toute, « Les Reines du shopping » ne fait pas totalement dans l’originalité. Pour les nostalgiques de « Nouveau look pour une nouvelle vie », Cristina Cordula donne par-ci par-là quelques petits conseils morphologie (« quand on est un houit, il faut marquer la taille ! ») et de mise en beauté (« on évite les couleurs flashy sur les paupières ! »). Petite ombre au tableau recyclé : il manque la présence d’un William Carnimolla accrochant des clichés des candidates dans leurs pires « fashion faux-pas » : là, M6 tiendrait peut-être un concept.

 

 

Charlotte Cousin

14.02.2014