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La tour Triangle,

destinée à tourner bien rond

 

 

C’est sur un fond de discorde que la tour Triangle de Herzog et de Meuron va voir le jour sous le ciel de la porte de Versailles. Alors que certains y voient un projet architectural enthousiasmant, les autres crient à la catastrophe économique et esthétique. Quoi qu’il en soit, c’est pour bientôt.

 

Après des années de travail sur le projet, le chantier de la tour Triangle a débuté en 2013. Son achèvement est prévu pour 2016-2017. Forts du Pritzker architecture prize qu’ils ont remporté en 2001, les cinq architectes de l’agence suisse, Christine Binswanger, Ascan Mergenthaler, Stefan Marbach, Pierre de Meuron et Jacques Herzog, ont à nouveau collaboré pour aboutir à cette structure de pyramide à base trapézoïdale. Selon les responsables de cette entreprise, il faudrait se réjouir de l’inauguration de cet édifice qui devrait pouvoir accueillir 5000 employés répartis sur les 42 étages. Les 7 millions de visiteurs par an qui y sont attendus devraient également contribuer à couvrir les frais et à amortir les investissements qui s’élèvent à 535 millions d’euros.

 

Une pyramide pas très pharaonique

 

En dépit de son nom, la tour n’a pas grand-chose de triangulaire puisqu’elle est composée de quatre faces à quatre côtés. Ainsi, contrairement à ce que laisse entendre le surnom de “tour pyramide” qui lui a été attribué, elle ne s’apparente pas tellement aux fameuses constructions égyptiennes. Sa forme de trapèze fait son originalité mais surtout présente, sur le plan pratique, plusieurs avantages en vue desquels elle a été pensée. Tout d’abord, les ombres projetées seront de moindre importance et plus intelligemment orientées que celles des tours de forme classique. Ensuite, cela permet un aménagement plus facile des alentours. Sur un autre plan, il est en outre possible de voir dans ce choix architectural un intérêt de nature purement esthétique. Bien que cette forme soit hors du commun, ceux qui en sont à l’origine assurent qu’elle participera à la pleine intégration du bâtiment dans le paysage local. Cet objectif est pour le moins ambitieux quand il s’agit d’un building de 5900m² d’emprise au sol pour 180m à la verticale dans une ville dont les toits plafonnent à 37m. Pour obtenir l’autorisation de construire à une telle hauteur, il a fallu faire réviser le PLU, Plan Local d’Urbanisme, qui imposait ce plafonnement. La tour Triangle sera ainsi le troisième sommet de Paris, derrière la tour Eiffel (324m) et la tour Montparnasse (210m). Si cela peut sembler très élevé à l’échelle française, ce n’est rien comparé à d’autres tours dans le monde, telles que la CN Tower de Toronto (553m). La pseudo pyramide n’est donc pharaonique ni du point de vue de la forme, ni du point de vue de la taille. Une question se pose alors : pourquoi construire si grand si ce n’est pas pour construire plus grand que ce qui existe déjà ? Avec ses 180 mètres, Triangle est de toute façon déjà beaucoup trop grande pour les défenseurs du paysage parisien tel qu’il est, mais elle est encore loin de l’être suffisamment aux yeux des admirateurs de l’Empire State Building. Un entre-deux qui semble ne pouvoir satisfaire personne…

 

La tour Triangle sera écolo ou ne sera pas

 

Si les architectes de chez Herzog et de Meuron peuvent être attaqués sur leurs partis pris esthétiques, ils ont mis toutes les chances de leur côté pour être du moins irréprochables sur le plan environnemental. C’est justement l’un des cinq points mis en avant sur le site officiel de la tour Triangle. La forme particulière qui permet aux ombres de ne pas obscurcir les habitations à proximité en se déplaçant rapidement et en se portant principalement sur le toit du parc des expositions possède aussi une pertinence du point de vue de la résistance au vent, sans compter les économies de matériaux qu’elle rend possibles. En outre, un système de vitrage “double peau” a été mis au point. Il s’agit de conserver la chaleur et de se protéger du froid durant l’hiver, et inversement durant l’été. En revanche, la lumière filtre toujours aussi bien à travers les vitres, quelle que soit la saison. Après avoir réduit les déperditions énergétiques causées par l’infiltration du vent, les concepteurs de la tour ont donc su alléger les factures de chauffage et d’éclairage. Enfin, il est question d’exploiter la géothermie. D’autres ressources renouvelables sont envisagées, mais ne sont pas communiquées pour le moment. Avec toutes ces bonnes intentions affichées, le projet, respectueux du Grenelle II de l’environnement devrait être un modèle pour les écologistes, or il s’avère qu’ils font partie, avec le Front de gauche, des opposants au projet.

 

Une innovation qui ne fait pas l’unanimité

 

En effet, les sympathisants des Verts sont les premiers à militer et à manifester contre le projet de la tour Triangle. Et que reprochent-ils à cette construction présentée comme un modèle de respect de l’environnement ? De nuire à l’environnement. Reste à savoir si ce sont les détracteurs qui sont de mauvaise foi et refusent de reconnaître la qualité écologique d’un bâtiment qui leur déplaît architecturalement par exemple, ou si ce sont les autres qui tentent de se faire passer pour des défenseurs du développement durable auprès de la foule alors qu’il n’en est rien. Dans la mesure où aucun des deux camps n’étaye ses propos de chiffres significatifs, la question est difficile à trancher.

 

 

Margot Da Silva

24.04.2014

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