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À la recherche de l'identité perdue

 

La page blanche. Au premier abord, le titre est énigmatique. S’agira-t-il d’une interrogation sur l’esthétique créatrice ? En aucun cas. Là où il y avait un vide, les talents de Pénélope Bagieu et de Boulet se sont combinés pour créer cette bande dessinée sensible et d’un imaginaire foisonnant.

 

Une jeune femme se réveille au crépuscule, assise sur un banc en plein Paris. Héloïse Pinson, c’est son nom, ne se souvient plus de rien : son identité tout entière s’est volatilisée. La jeune femme décide donc de se lancer fermement à la recherche de son identité perdue, essayant de reconstituer sa vie, même en imaginant les scénarios les plus improbables. C’est une incroyable enquête que livrent les auteurs de la bande dessinée : on suit donc Héloïse qui tâtonne pour récupérer quelques éléments biographiques. Pour le coup, les planches ne sont pas des pages blanches : chaque chapitre regorge des dessins chatoyants de Pénélope Bagieu, qui illustrent une Héloïse perdue dans une vie qu’elle ne connaît pas. Parfois, le personnage principal se tient dans l’image centrale d’une page, déboussolé. D’autres cases entourent la plus grande, et représentent des zooms sur lesquels Héloïse fixe son regard, pour s’accrocher à quelque chose. Mais ce qui était au départ une quête quelque peu déroutante devient une course angoissante après le détail émergeant de son enfance ou de sa vie d’adulte, auquel Héloïse veut à tout prix s’accrocher. Puis, malgré l’obscurité, il faut aller de l’avant : la réalité a beau être plus simple qu’elle n’en a l’air, elle n’en est pour autant pas moins cruelle.

 

L’interrogation d’Héloïse devient plus globale : comment réagir ? Même si l’amnésie de la jeune femme est une amnésie « de film » et par conséquent une expérience impossible à vivre, comment peut-on réagir ? Faut-il céder à la panique ? En profiter pour tout recommencer ? La page blanche donne son interprétation avec douceur et légèreté. Parfois, quelques lecteurs ont été déçus du dénouement final, comparé à ce que le début de l’histoire laissait présager, attendant, peut-être, quelque chose d’infiniment grandiose, d’extrêmement surprenant. Mais là se trouve toute la finesse de la bande dessinée : la reconstruction d’un personnage et sa réintégration dans une vie où il n’était que le spectateur.

 

 

Charlotte Cousin

19.05.2014

 

 

La page blanche, de Pénélope Bagieu et de Boulet, éditions Delcourt, environ 23 euros.


 
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