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Ça brille, ça brille, ça brille !

 

 

En 1902, le roi Edouard VII d’Angleterre déclare : « Cartier, c’est le roi des joailliers et le joaillier des rois.[1] » Née de l’idée de Louis-François Cartier en 1847, la maison de joaillerie française n’a cessé d’attirer les grands noms de l’Histoire. Des rois et reines d’Angleterre aux grands princes des Indes, la marque habille les plus somptueuses cours du monde. Cassant les codes, dictant les modes, Cartier est un compagnon fidèle de la femme des 19ème et 20ème siècles, l’encourageant à s’émanciper et à se libérer des carcans classiques. Aujourd’hui, à l’occasion de la réouverture de son Salon d’Honneur fraîchement restauré, le Grand Palais accueille l’exposition blockbuster de cette fin d’année ; Cartier : le style et l’histoire.

 

Connu de tous, son nom même fait rêver. Symbole de faste, d’élégance et de raffinement, Cartier fait tout avec ce petit plus qui rend ses pièces uniques. Diadèmes, sautoirs, boucles d’oreilles ou horloges, suivant les caprices et exigences de ses clients, le joaillier ravit les yeux et embellit les grands de ce monde. De quoi faire frémir d’impatience à l’annonce de l’exposition qui lui est consacrée.

 

Aujourd’hui, c’est mercredi. Il n’est que 10h30 et pourtant, beaucoup sont déjà au rendez-vous. Malgré le froid et la grisaille, la foule se presse. Ce n’est pas tous les jours que les pièces originales de l’artiste sont exposées aux yeux du peuple. L’agent de sécurité ne plaisante pas et laisse passer les gens au compte-goutte. Au-dessus de l’entrée, l’immense affiche de présentation en fait déjà rêver plus d’un. « On va voir des vrais diadèmes de princesses ! » se réjouit une petite fille. Sa maman sourit, lui tapote gentiment la tête. Elle aussi se retient de trépigner d’impatience. Enfin, le moment tant attendu arrive. La barrière se lève et soudain les bijoux se révèlent. Dans l’obscurité des salles, les pierres étincellent, telles des étoiles inaccessibles.

 

Sur les quelques mille pièces de la réserve privée de la maison Cartier, environ 500 ont été sélectionnées pour être présentées, en plus des prêts privés et publics. Elles sont accompagnées de documents jusque là jamais dévoilés. Croquis de bijoux, plan de décoration de pièce mais aussi registres et lettres de correspondance montrent ainsi une facette beaucoup plus intime et personnelle des noms qui ont contribué à la réputation du luxe à la française.

 

Au fil des sections retraçant les étapes phares de Cartier, il y a toujours une pièce ou un nom pour donner à la splendeur une dimension humaine. C’est notamment le cas du tourbillon de diadèmes placés à l’entrée. Certains sont gigantesques, extravagants et dépassent l’ostentatoire. D’autres en revanche, se font plus discrets. L’un d’entre eux frappe l’œil. Sans savoir exactement pourquoi, il n’est pas inconnu. Un regard sur les étiquettes et le voile se lève : c’est le diadème que la duchesse Catherine Elizabeth Middleton portait le jour de son mariage avec le prince William, le 29 avril 2011. Ce petit objet si fin, serti de centaines de diamants, présenté à la vue de qui veut, prend alors une toute autre dimension. Immédiatement, l’histoire prend vie et devient concrète.

Plus loin, c’est au tour de la gigantesque parure du Maharadjah de Patiala de faire son numéro. En arrivant devant, une femme s’exclame : « Mais qui porterait ça ? C’est énorme ! » Pourtant, à côté de ce collier fait des cinq chaînes de diamants au bout desquelles repose un diamant jaune de 234 carats, les lointaines splendeurs de l’Inde du 19ème siècle sautent aux yeux. Et au-delà de la rivière de richesses, l’histoire du bijou, elle aussi, prend des allures romanesques. Portée par plusieurs générations de princes indiens, la pièce a été perdue puis retrouvée chez un marchand à Londres. Aujourd’hui, après avoir été rachetée, la pièce est à nouveau choyée par les conservateurs de la collection Cartier. L’exposition n’est pas seulement un étalage de luxe et d’opulence, presque grossière. En présentant ces pièces, les commissaires de l’exposition veulent inscrire un réel effort de connaissance de la marque. Laure Dalon, commissaire de l’exposition, raconte ainsi que l’objectif était avant tout de « raconter, vraiment, l’histoire de cette maison de joaillerie[2] ». Le tracé démarre ainsi en 1847 et s’achève aux alentours de 1970. En un peu moins d’un siècle de récit, l’exposition vient montrer, sous un angle nouveau, l’évolution de cette société qui vit une multitude de bouleversements.

Il est en effet particulièrement frappant de voir, en parcourant les vitrines, l’évolution vestimentaire de la femme en adéquation avec sa liberté qu’elle conquiert peu à peu. Au départ vêtue de corsets, de colliers de chien et de broche, elle se déleste progressivement de ce qui l’entrave. Délaissant les carcans des robes serrées, elle adopte alors un style beaucoup plus confortable et élégant. Les robes en soie, très fluides, font leur apparition et s’accompagnent de sautoirs et de tours de tête. Cartier suit ces grands changements sociaux et pousse les femmes dans leurs désirs d’émancipation.

 

Pierre Rainero, directeur de l’image, du style et du patrimoine Cartier explique que « la joaillerie est un domaine d’expression en soi qui n’attend pas d’autres domaines pour exprimer l’innovation ou la modernité. […] Elle intègre et voire même anticipe ce qui se passe dans d’autres domaines à cette époque.[3] » C’est vrai. Au fil des vitrines, il ne fait aucun doute que Cartier a été, dans un sens, un moteur incroyable d’innovations sociales et techniques et ce ne sont pas ses célèbres horloges mystérieuses (dont l’ingénieux système fait croire que les aiguilles ne sont reliées à aucun cadran) qui pourront le nier. Au fil des ans, la maison de joaillerie s’est inspirée de tout ce qui se passait autour d’elle pour proposer des pièces toujours plus raffinées et toujours plus prodigieuses. L’exposition du Grand Palais en est bien la preuve. Un bémol pourrait cependant être avancé. À vouloir tout montrer, le risque est de trop montrer. Si la scénarisation montre les bijoux sous un bel éclat, le tracé lui est peut-être un peu long. Au fur et à mesure, la visite s’épuise de diamants, de jade et d’émeraudes. Les enfants fatiguent, les adultes se plaignent du manque d’assise et au final, les dernières vitrines ne sont que rapidement survolées, au risque de rater quelques bijoux, dans tous les sens du terme.

 

 

Amandine Duphil

29.01.2014

 

 

[1] Stéphane Bern. Europe 1 : « Cartier : suivez le guide à travers les galeries de l’exposition ». Reportage avec la journaliste Susie Bourquin. http://www.europe1.fr/Culture/Cartier-suivez-le-guide-a-travers-les-galeries-de-l-exposition-1786013/. Consulté en ligne le mardi 18 mars 2014.

[2] Laure Dalon. Europe 1 : « Cartier : suivez le guide à travers les galeries de l’exposition ». Reportage avec la journaliste Susie Bourquin. http://www.europe1.fr/Culture/Cartier-suivez-le-guide-a-travers-les-galeries-de-l-exposition-1786013/. Consulté en ligne le mardi 18 mars 2014.

[3] Philippe Rainero. Europe 1 : « Cartier : suivez le guide à travers les galeries de l’exposition ». Reportage avec la journaliste Susie Bourquin. http://www.europe1.fr/Culture/Cartier-suivez-le-guide-a-travers-les-galeries-de-l-exposition-1786013/. Consulté en ligne le mardi 18 mars 2014.

Cartier : le style et l’histoire
Du 4 décembre 2013 au 16 février 2014.
Tous les jours de 10h à 20h. 
Fermeture hebdomadaire le mardi.
Nocturne le mercredi à 22h.
Tarif normal : 12€
Tarif réduit :9 €
Tarif de groupe :33 €
www.grandpalais.fr
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